Puiser dans son REER pour faire une mise de fonds à l’achat d’une première habitation, est-ce le meilleur choix financier lorsqu’on veut devenir propriétaire de son logement ?
Le régime d’accès à la propriété, mieux connu sous son acronyme RAP, permet à un premier acheteur de retirer, sans pénalité ni impôt, jusqu’à 25 000 $ de son REER. Un couple a donc accès à 50 000 $, pour peu qu’il y ait l’argent dans les comptes enregistrés. L’une des conditions est de rembourser ces sommes. Les conjoints ont quinze ans pour le faire.
En cette saison de REER, nombreux sont les conseillers à mettre cette possibilité de l’avant auprès des jeunes. Au moment d’acheter un condo, beaucoup de premiers acheteurs « rapperont » sans calculer s’ils font vraiment le meilleur choix financier, convaincus que c’est la chose à faire. C’est ce que j’ai fait quand j’ai acheté mon condo il y a plusieurs années : j’ai rappé sans réfléchir. Je tenais à verser la mise de fonds de 20 % qui me permettait d’éviter d’assurer mon prêt hypothécaire auprès de la SCHL, donc de payer la prime d’assurance.
Le coût de l’assurance hypothécaire est parfois moins élevé qu’il n’y paraît. Une hypothèque assurée incite plusieurs prêteurs (pas tous) à consentir des réductions de taux. Selon le porte-parole de Multi-Prêts, Denis Doucet, un emprunteur peut obtenir une réduction de 30 points de base (0,3 %) sur un prêt assuré pour la simple raison que le risque de défaut pèse sur l’assureur, et non sur le prêteur. Le taux de réduction peut varier selon la saison et d’un prêteur à l’autre.
Dans ces circonstances, quel est le véritable avantage de recourir au RAP si c’est pour une mise de fonds de 20 % ? J’ai demandé à Daniel Laverdière, directeur principal de Banque Nationale Gestion privée 1859, de m’aider à faire les calculs.
Nous avons utilisé un scénario des plus simples, mais qui illustre si le RAP est avantageux, et dans quelles conditions.
Imaginons donc un couple qui achète une copropriété de 300 000 $ à l’aide d’un prêt de cinq ans fixe, amorti sur 25 années, pour lequel il se qualifie aisément. Les conjoints ont 15 000 $ d’économies non enregistrées pour couvrir la mise de fonds minimale de 5 % (plus ce qu’il faut pour payer le notaire, la taxe de mutation immobilière et les frais d’installation, que je n’ai pas chiffrés ici). Serait-il préférable de puiser 45 000 $ dans leurs REER pour atteindre 20 % de mise de fonds (60 000 $), comme les premiers acheteurs ont souvent le réflexe de le faire ? Les propriétaires seront-ils plus riches au bout de 25 ans, quand leur prêt sera entièrement remboursé ?
D’abord, penchons-nous sur ce que devra débourser le couple chaque mois avec l’aide du tableau sur le « Remboursement de l’hypothèque ».
Sans le RAP, le couple se retrouve avec une hypothèque de 296 400 $. Il verse 15 000 $ de mise de fonds, mais il doit payer une prime d’assurance à la SCHL de 11 400 $ (4 % du prêt), qui s’ajoute à l’hypothèque. Nous avons ignoré ici la taxe sur la prime d’assurance, payable chez le notaire. S’il opte pour le RAP, il n’a pas cette prime à payer, et comme il a avancé une mise de fonds de 60 000 $, dont 45 000 $ grâce au RAP, son hypothèque s’élève à 240 000 $.
En revanche, sans le RAP, il obtient un meilleur taux pour son prêt, soit 3,19 %. Comme le prêt est capitalisé deux fois l’an, le couple paie 3,21 % en intérêts par année. Les remboursements hypothécaires représentent un déboursé de 17 181 $ par année, soit 1431,75 $ par mois.
Avec le RAP, le taux se situe à 3,49 % (plus l’effet de la capitalisation deux fois par année). Les mensualités pour rembourser le prêt sont tout de même moins élevées, à 1196,98$. Cependant, le couple doit rembourser le RAP, soit 3 000 $ annuellement. Combiné avec le remboursement hypothécaire, cela représente une sortie de fonds de 17 363,76 $ par année, soit 1 446,98 $ par mois.
Les déboursés sont presque identiques dans les deux cas. Il y a un léger avantage de 183 $ en faveur du scénario où le couple a ignoré le RAP. Pour notre démonstration, nous avons supposé que cette somme est économisée dans un compte non enregistré, avec le même taux de rendement que le REER.
Cet avantage ne durera toutefois que 15 ans, le temps qu’il faut pour rembourser le RAP. À partir de la 16e année, le couple qui a rappé engrangera un surplus de 2 817 $ (3 000 $ - 183 $) pendant 10 ans, le temps qu’il reste pour rembourser intégralement l’hypothèque. Dans notre scénario, le couple épargne cet argent dans un compte non enregistré (pour simplifier, nous avons imaginé un couple parfait, le CELI et le REER sont maximisés).
Ce sera notre profil d’investisseur qui déterminera si on utilise ou non le RAP pour financer une partie de sa maison.
On dirait que le scénario dans lequel le couple a rappé est favorable. Ici, les conjoints sont en mesure de générer une épargne supplémentaire de 2 817 $ par année pendant 10 ans.
C’est toutefois oublier que dans l’autre cas, le REER démarre avec 45 000 $ qui fructifient à l’abri de l’impôt. Voyons ce que ça donne, selon trois hypothèses de rendement (3 %, 5 % et 7 %) illustrées dans le tableau sur l’« Épargne accumulée ».
Pour marquer l’écart dans le REER, nous n’avons tenu compte ici que des 45 000 $ impliqués dans le RAP. À gauche, le couple détient 45 000 $ à l’année zéro. À droite, il ne part de rien et rembourse 3000 $ par année à compter de l’an un. Quant aux sommes dans le compte non enregistré, nous avons soustrait l’impôt des rendements chaque année. Le montant est donc net. Ce qui n’est pas le cas de celui affiché dans colonne du REER ; l’argent sera imposé au retrait.
Après 15 ans, c’est toujours le couple dont le REER est resté intact au départ qui est gagnant. C’est toutefois seulement après 25 ans, quand l’hypothèque est remboursée, qu’on obtient un portrait juste.
Quand le rendement sur les investissements s’élève à 3 %, le couple qui utilise le RAP est favorisé avant même qu’on soustrait l’impôt sur le REER. Si on appliquait un taux d’imposition de 40 % au REER (ce qui n’est pas reflété dans le tableau), l’écart dans l’avoir net serait de 15 000 $ en faveur du RAP.
Lorsque le rendement atteint 7 %, l’avantage change de côté. Une fois l’impôt soustrait du REER, la différence atteint 29 000 $ en faveur du scénario où il n’y a pas eu de RAP. Puisque les sommes du REER fructifient à l’abri de l’impôt, l’écart s’élargit à mesure que le temps passe. Quarante ans après l’achat du condo, le couple qui n’a pas puisé dans le REER pour financer sa maison est plus riche de 106 000 $, net.
Évidemment, la réalité est plus complexe que nos scénarios illustrés dans Excel. Les rendements fluctuent, les intérêts sur l’hypothèque aussi, la réduction de taux se dissipe avec les années et on ne retire pas son argent du REER d’un coup.
Nous pouvons tout de même arriver à certaines conclusions.
Ce sera notre profil d’investisseur qui déterminera si on utilise ou non le RAP pour financer une partie de sa maison. Un investisseur prudent a plutôt intérêt à rapper. Celui dont le profil est agressif devrait plutôt s’en abstenir. Aussi, plus l’horizon de placement est grand, plus le RAP est désavantageux.
« Si le RAP n’est qu’un prétexte pour acheter une maison plus cher, vous en sortirez perdants », rappelle Daniel Laverdière.
Rodrigo Bustos
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