Ajoutez ceci au programme d’études de l’Ivy League (NDLR : un groupe de huit universités parmi les plus anciennes et les plus prestigieuses des Etats-Unis) : les compétences financières de base pour la vie courante.
Les universités d’élite ne se concentrent généralement pas sur les finances personnelles. Cela commence à changer, en partie en raison de l’augmentation du niveau d’endettement des jeunes Américains et de l’inquiétude croissante quant à leur avenir économique.
En avril, le département d’économie de l’Université Harvard a mis en place, pour la première fois, une série d’ateliers sur les finances personnelles pour les étudiants de premier cycle. En mai, les étudiants de Princeton ont assisté à la première Journée de la « culture financière » de l’université, avec t-shirts et de consultations à la clé.
« Je pense que c’est un environnement qui est très stressant pour de nombreux étudiants, explique John Y. Campbell, professeur d’économie à Harvard qui a dirigé l’atelier. « Il y a des tendances à long terme comme l’augmentation des inégalités, l’augmentation de l’endettement étudiant –, qui rendent les étudiants très conscients des défis qu’ils vont devoir relever. »
Kian Mintz-Woo, un étudiant postdoctoral à Princeton, qui a participé à la Journée de la « culture financière », dit qu’il a besoin de ce genre d’enseignement pratique.
« Nous sommes une génération façonnée par de très mauvaises décisions macroéconomiques et il est plus difficile pour nous de penser qu’il y a une sorte de progrès exogène concernant nos vies et nos moyens d’existence », dit-il.
Les membres de l’Ivy League s’inscrivent dans une tendance croissante à enseigner la gestion de leur argent aux étudiants. Au cours de la dernière décennie, les « community colleges », les écoles publiques et les universités d’Etat ont commencé à offrir des programmes de finances personnelles pour répondre à la demande des étudiants, selon le Financial Security Project du Boston College.
Nouvelles exigences. De plus en plus d’Etats reconnaissent l’importance de la « culture financière » au niveau secondaire. Dix-neuf Etats obligent maintenant les écoles secondaires à enseigner aux élèves les connaissances financières de base avant l’obtention de leur diplôme. Ils étaient dix-sept en 2018 et treize en 2011, selon le Council for Economic Education. Ces nouvelles exigences sont apparues au fur et à mesure que la dette des étudiants devenait une question de premier plan à l’échelle nationale. Selon la Réserve fédérale, la dette étudiante type déclarée en 2017 se situait entre 20 000 et 25 000 dollars, la dette étudiante totale s’élevant à près de 1 500 milliards de dollars à l’échelle nationale.
La Journée de la « culture financière » de Princeton comprenait des mini-conférences données par des conseillers et des anciens élèves, ainsi que des démonstrations de représentants du secteur financier, sur la budgétisation et l’utilisation des cartes de crédit. M. Mintz-Woo a estimé qu’entre 150 et 200 personnes ont assisté à l’événement.
D’autres écoles de l’Ivy League, dont Brown et Cornell, ont organisé des ateliers ponctuels ces dernières années. Ce printemps, l’Université de Pennsylvanie a offert un cours de « culture financière » en milieu urbain co-dirigé par Brandon Copeland, un ancien étudiant de l’université et actuel « linebacker » des Jets de New York.
Les départements d’économie ont évité le sujet dans le passé, mais cela commence à changer.
« C’était l’un des défis à relever lors de la conception du cours : comment le rendre pertinent pour un si large éventail de personnes ? »
Dans le cadre de son travail quotidien, le professeur Campbell de Harvard donne des cours sur l’évaluation des actifs et la protection des consommateurs. En avril, les ateliers sur les finances personnelles comportaient quatre séances de deux heures au cours desquelles les instructeurs ont donné des conférences sur l’endettement, le crédit, la planification de la retraite et d’autres sujets liés aux finances personnelles. M. Campbell dit que les séances ont été conçues pour replacer les décisions financières des étudiants dans un contexte plus large, au-delà des simples « choses à faire et à ne pas faire » en matière de budget et d’épargne. Environ 130 personnes ont assisté à la première session de la série, et le professeur Campbell dit qu’ils envisagent d’organiser le même atelier l’année prochaine.
La décision d’enseigner les finances personnelles reflète également le fait que Harvard, ainsi que d’autres institutions d’élite, reçoivent désormais des étudiants issus de milieux socio-économiques plus diversifiés.
Harvard a lentement augmenté le pourcentage d’étudiants issus de familles du quintile de revenu inférieur, passant de 3 % entre 2000 et 2005 à 5 % entre 2006 et 2011, selon une étude réalisée en 2017 par l’économiste Raj Chetty et d’autres sur la mobilité universitaire.
L’école accueille plus d’élèves à faible revenu que ses pairs de l’élite. Mais Harvard s’est classée 2011e sur les 2 395 universités étudiées en termes de nombre d’étudiants à faible revenu, note le professeur Chetty.
Environ 49 % des étudiants « first-generation » (NDLR: première génération d’une famille à intégrer une université) de Harvard ont déclaré au journal étudiant de Crimson que leurs parents gagnaient moins de 40 000 dollars par an. Plus de 46 % des « legacy students » (NDLR : enfants dont un ou les deux parents étudiaient également dans la même université) ont dit que leur famille gagne plus de 500 000 dollars par année.
« C’était l’un des défis à relever lors de la conception du cours : comment le rendre pertinent pour un si large éventail de personnes ?, raconte le professeur Campbell. Certains étudiants veulent comprendre l’investissement boursier, d’autres veulent parler de la façon de se sortir de l’endettement lié aux cartes de crédit. »
Alyn Wallace, une étudiante de la Nouvelle-Orléans en troisième année à Harvard, qui a assisté à la série d’ateliers, dit qu’elle pensait à la planification de sa retraite depuis longtemps. Enfant, elle avait même étiqueté un bocal « retraite » et y avait amassé de la petite monnaie.
Malgré cela, elle dit que certaines parties du cours ne semblent pas pertinentes pour tous les étudiants, comme les 50 000 dollars présentés comme exemple du « bas de l’échelle salariale » ou la discussion sur la façon de préparer des documents fiscaux pour une aide ménagère.
« C’était curieux à voir comme approche, parce que le sujet est délicat, y compris en dehors du cours », dit-elle.
M. Campbell dit que lui et d’autres sont conscients qu’il existe toute une gamme de contextes et d’attentes économiques. Mais, c’est toujours Harvard.
« En réalité, beaucoup d’étudiants diplômés de Harvard finiront par avoir une aide ménagère et gagneront plus de 50 000 dollars par an au cours de leur carrière, dit-il. Mais nous devons nous assurer de ne pas faire croire que ce sera le cas pour tout le monde. »
Source: L'Opinion
Rodrigo Bustos
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