Le garant d’un prêt conserve-t-il ses responsabilités par-delà le tombeau ? C’était, somme toute, l’interrogation de la femme qui s’est présentée à la fin du mois de mars aux bureaux de l’Association coopérative d’économie familiale de l’Est de Montréal pour consulter une conseillère budgétaire.
Linda était liquidatrice de la succession de son père, mort un an plus tôt dans un CHSLD. Les retards de paiement s’étaient accumulés.
« Étant héritiers, on s’est fait poursuivre par le centre », raconte-t-elle.
C’est dans le dossier de crédit de son père, envoyé par l’avocat du CHSLD, qu’elle a appris que son papa était caution d’un prêt auto.
« Je n’étais pas au courant. Mon père était en perte d’autonomie et de mémoire, mais il était très mobile. Il y a peut-être quelqu’un qui en a profité pour lui faire signer quelque chose. »
Il s’agissait d’une BMW. « Je ne sais pas combien elle coûtait au départ », indique-t-elle.
« Mon inquiétude était : est-ce que c’est une grosse dette ? Est-ce qu’ils peuvent me poursuivre ? Ça me faisait peur parce que le délai de six mois avait expiré pour renoncer à l’héritage. »
— Linda
C’est ce qu’elle a demandé à la conseillère budgétaire Martine Marleau : la succession est-elle responsable du prêt cautionné par le défunt ?
La conseillère à l’Association coopérative d’économie familiale (ACEF) de l’Est de Montréal s’est renseignée auprès d’un notaire pour obtenir la réponse. « Oui, si la personne qui a pris le prêt auto n’est pas capable de rembourser, c’est la succession qui devra payer », a-t-elle appris.
Plus précisément, le décès met fin au cautionnement, mais « la caution demeure tenue des dettes existantes à ce moment », cite la notaire Guylaine Lafleur, du cabinet Bachand Lafleur Groupe Conseil.
En d’autres mots, à la mort de la caution, aucun nouvel emprunt ne peut s’ajouter à ses engagements, mais elle demeure garante – et sa succession par le fait même – du prêt en cours.
« Je suis certaine que le père, quand il a signé comme endosseur, n’a pas pensé à sa mort et au fait qu’on lègue en fait cet endossement-là », commente Martine Marleau.
En effet, très souvent, le garant d’un prêt n’a pas pleinement conscience de son engagement, de ses responsabilités, de ses risques. Caution rime avec précautions.
FIDÉJU QUOI ?
Le dictionnaire nous apprend qu’il existe un joli mot – quoique vieilli – pour décrire ce qu’on appelle improprement un endosseur : fidéjusseur.
Rassurez-vous, il y a des synonymes plus courants : garant, caution.
La caution ou le garant s’engage à assumer les responsabilités du prêt, si l’emprunteur fait défaut à ses engagements. « Si le créancier demande un endosseur, c’est qu’on juge qu’il y a un risque qu’il ne veut pas prendre, soulève Martine Marleau. Il le refile entièrement à l’endosseur. C’est donc lui qui prend le risque. »
Comme le fait valoir Pierre Leblanc, syndic autorisé en insolvabilité (SAI) et fondateur de Groupe Leblanc Syndic, « il faut être conscient que c’est comme s’ils prenaient eux-mêmes le prêt et qu’ils acceptaient eux-mêmes de le rembourser ».
Le défaut de paiement peut être indépendant de la meilleure volonté de l’emprunteur. « Il peut lui arriver tellement de choses : perte d’emploi, séparation, maladie, même mortalité, et on peut se ramasser avec le prêt », évoque Pierre Leblanc.
Le garant doit être prêt à assumer les conséquences.
« Si ça arrive, est-ce que ça nous met dans le trouble financièrement ? Est-ce que ça nous occasionne des problèmes ? Est-ce qu’on risque de perdre notre maison, d’avoir des saisies de salaire ? »
— Pierre Leblanc
Désagréable perspective…
Mais pour notre histoire de succession, tout n’est pas perdu. « On peut toujours faire des démarches auprès de l’institution financière pour demander à ce que la succession soit libérée », indique Me Guylaine Lafleur.
Si l’emprunteur a fait jusqu’à présent ses paiements sans faillir, ou s’il a montré sa capacité d’épargner, peut-être son créancier acceptera-t-il de dégager la caution de ses responsabilités.
« Les banques vont quelquefois accepter de remplacer la caution par une autre caution, pour être capables de libérer une succession », ajoute Me Lafleur.
« Il y a différentes avenues qui peuvent être explorées, mais évidemment, c’est la banque qui a le gros bout du bâton. »
Évidemment.
Épilogue : au début d’avril, Linda a été informée qu’il ne restait que 5000 $ à courir sur le prêt auto. « Quand je l’ai appris, mes préoccupations sont un peu tombées, confie-t-elle. La personne semble continuer à payer. Je ne la connais pas. »
Elle espère n’avoir jamais à la connaître.
Caution ou coemprunteur ?
Ajoutons une couche de nuances : les institutions financières distinguent généralement caution et coemprunteur.
« Une caution va être utile dans un cas où la personne se qualifie pour le prêt, mais n’a tout simplement pas d’antécédents de crédit », décrit Julie Chenard, conseillère en finances personnelles à la Caisse Desjardins du Lac-Memphrémagog.
Elle donne l’exemple d’une jeune femme qui achète sa première voiture chez un concessionnaire, avec un prêt dont sa mère sera caution. « Si j’agis à titre de caution, le contrat va être vraiment fait au nom de ma fille. Moi, je serai identifiée en tant que caution. »
Le créancier demandera un coemprunteur dans les cas où l’emprunteur ne réunit pas les garanties nécessaires : ratio d’endettement trop élevé, dossier de crédit entaché…
« Le contrat de prêt est alors fait aux deux noms », précise Julie Chenard.
La différence est subtile. Dans le premier cas, la caution est derrière l’emprunteur. Dans le deuxième cas, emprunteur et coemprunteur sont côte à côte. Mais dans les faits, « au niveau engagement, c’est exactement la même chose », assure Julie Chenard.
Rodrigo Bustos
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